Sarkozy, le retour
Nicolas Sarkozy va repartir à la conquête de la Gaule. Et, comme Jules César, il n'a pas oublié que c'est là-bas, dans la lointaine Armorique, qu'une peuplade d'irréductibles lui a opposé la plus vive résistance lors de sa précédente campagne. > Sarkozy annonce dans le JDD vouloir "changer l'UMP"
Ainsi pourrait s'ouvrir le second chapitre de « Sarkozy et les Bretons », une saga de caps et d'épines dont le premier épisode fut marqué de quelques retentissants fiascos. S'il veut renouer avec les Bretons, l'ex-Président devra tirer les leçons de son échec passé puisque les cinq départements bretons, à eux seuls, ont pratiquement suffi à faire la différence entre lui et Hollande au soir du 12 mai 2012.
Question de style
D'abord le style. Incontestablement, il a contribué à établir une distance entre lui et les Bretons. Bien qu'aujourd'hui très galvaudée, l'expression bling-bling définit bien ce comportement auquel les Bretons sont rétifs, n'ayant pas pour habitude de goûter à l'étalage ostentatoire. À cette distance est venue s'ajouter une invraisemblable série de fiascos dont les étapes les plus connues furent le Cross Corsen, les quais du Guilvinec ou encore le Stade de France. L'ex-Président semble avoir retenu la leçon et fait savoir, autour de lui, qu'il a changé et compte prendre désormais quelques distances avec un style peu compatible avec la fonction présidentielle. Son successeur, il est vrai, l'a depuis surpassé en nous gratifiant, entre autres, de pathétiques épisodes de théâtre de boulevard.
Élus : retisser le lien
Seconde leçon : s'appuyer sur les élus régionaux au lieu de les prendre constamment à rebrousse-poil comme ce fut le cas pendant cinq ans. Avec le Morbihannais François Goulard, quelques embrouilles sont restées mémorables mais qu'on passe par l'Ille-et-Vilaine avec un Pierre Méhaignerie consterné par la droitisation du discours, par les Côtes-d'Armor avec Marc Le Fur (notamment une belle dispute sur le travail du dimanche) ou par le Finistère avec le turbulent député Jacques Le Guen, il n'y eut pratiquement aucune relation apaisée avec les élus bretons. Elles furent souvent électriques et l'arrivée en Bretagne de Bernadette Malgorn, sa proche collaboratrice, ne fit rien pour amortir quelques chocs, même si cette dernière a finalement bien réussi son atterrissage en terrain miné. S'il veut renouer avec les Bretons, Nicolas Sarkozy devra donc commencer par retendre les fils avec les principaux élus de la droite et ne jamais oublier qu'ils sont les indispensables relais avec la base.
Parler aux Bretons
Il lui faudra aussi se souvenir que la France n'est pas un territoire uniforme. Certaines régions ont des caractéristiques tellement marquées qu'il faut savoir s'en imprégner. Le fameux discours de Morlaix, à quelques jours du premier tour, fut l'exemple type de ce qu'il ne faut pas faire en Bretagne. Écrit par le très droitier Patrick Buisson, dont il s'est aujourd'hui séparé, ce discours confina à la caricature tant il fut à côté de la plaque. Il y fut longuement question d'immigration, Morlaix étant, comme on s'en doute, le secteur français le plus concerné, mais aussi de chapelles et de calvaires dans de curieuses références au passé. Mais on attendit en vain qu'il trace des perspectives d'avenir pour l'agriculture et l'agroalimentaire, la pêche et la mer ou encore les nouvelles technologies, ces secteurs d'activité si vitaux. Et, en guise de conclusion, pas le moindre petit message amical à l'adresse des Bretons, comme s'il n'était venu que pour s'adresser aux médias nationaux. Pas de bol : ils n'accordèrent quasiment aucun écho à ce discours hors-sol déjà souvent entendu. Alors s'il veut reconquérir la Bretagne, l'ex-Président doit baliser son parcours de ces trois repères : un style plus dépouillé, des relations apaisées avec les élus régionaux et, surtout, quand il vient en Bretagne, il doit s'adresser aux Bretons. Pas aux caméras de télé.